dimanche 21 octobre 2007

Présentation

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KEO BUNTHOEUN
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C A M B O D G E
Crimes commis contre son peuple
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Phnom Penh
20 décembre 1996

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Posté par :

CHAPITRE I

I
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"Le jour où le crime se pare des dépouilles de l'innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c'est l'innocence qui est sommée de fournir des justifications".
Albert Camus dans L'Homme révolté
Par Keo Bunthoeun

Le peuple cambodgien est innocent, sain et propre. Il se bat pour la paix, la liberté, la démocratie et le droit de vivre heureux dans une nation indépendante, souveraine dans son intégrité territoriale et maritime. Il n'a de justifications à donner à personne, il est seul maître de son destin. Le régime actuel de Phnom Penh est en train de transformer le Cambodge en une poubelle pour tous les vices de l'humanité. Tout ce qui est interdit ailleurs est monnaie courante dans notre pays: le tourisme sexuel, la prostitution des enfants, la pédophilie pratiquée même par certains membres d'ambassades[1], le trafic et la consommation pratiquement quasi libre de toutes les drogues etc. Il est aussi une poubelle pour des déchets toxiques dont personne ne veut. C'est le pays qui tient le triste record du nombre des habitants atteints par des maladies extrêmement contagieuses et même incurables comme la tuberculose, le sida etc., des amputés d'une partie ou de la totalité de leurs membres. Le pays où se pratique le déboisement le plus rapide et le plus sauvage de la planète. Il est la plaque tournante pour les trafiquants de drogues et de toutes les mafias. Le pays où les étrangers et une poignée d'autochtones vivent dans le luxe le plus criant et où les plus de 90% du peuple, les vrais maîtres du pays, vivent dans la misère sous le régime le plus totalitaire et le plus sanguinaire de l'histoire. Ce régime malheureusement continue à recevoir des aides considérables et la complicité des États-Unis d'Amérique, du Japon, de l'Australie et de la France et des autres pays de l'Europe occidentale (par la suite nous désignerons ces pays par la seule expression: pays occidentaux), puisque que ces pays aident, financent à près d'un milliard de dollars par an et légalisent le régime actuel installé à Phnom Penh depuis le début de 1979 à la pointe des baïonnettes de l'armée vietnamienne. Ce régime innommable dont le pouvoir réel est entre les mains des communistes vietnamiens continue à faire la guerre contre le peuple cambodgien. Tout cela sous le couvert de la "lutte contre les Khmers Rouges". Mais y a-t-il une définition de l'appellation "Khmers Rouges". En plus qui autorise ces Occidentaux à le faire et au nom de quoi? De quel moral? Il n'est pas question pour le peuple cambodgien d'excuser les fautes et crimes commises pendant la période 1975-1978. C'est une affaire intérieure cambodgienne, comme les crimes commis sous le régime de Vichy relèvent de la seule compétence de la France. La persistance, depuis cinq ans, de ces aides si considérables à un régime rejeté par l'écrasante majorité du peuple cambodgien dépasse l'entendement. Errare humanum est persevare diabolicum disent les latins (Se tromper est humain, mais persévérer relève du diable).

Dans ces conditions il est hasardeux, injuste, immoral voire criminel de penser vouloir faire une enquête avec un minimum d'objectivité et de crédibilité sur ce qui s'était passé réellement pendant la période 1975-1978. Car tant qu'il n'y a pas au Cambodge un gouvernement indépendant, souverain capable de défendre ses frontières et les intérêts légitimes de l'ensemble de son peuple et de sa nation, toute enquête sur ce qui s'était passé réellement pendant la période 1975-1978. Tant qu'il n'y a pas au Cambodge un gouvernement indépendant, souverain capable de défendre ses frontières et les intérêts légitimes de l'ensemble de son peuple et de sa nation, toute enquête est d'avance entachée de manque d'impartialité et manque d'un minimum d'objectivité et de crédibilité. Elle est donc considérée comme contraire à tout esprit de justice. Elle est donc inacceptable par le peuple cambodgien et par tout juriste sérieux. Pourquoi ne pas aller faire de telles enquêtes au Rwanda, au Loro Sae (ex-Timor oriental portugais) ou en Tchétchénie?

Par contre il est important de connaître et de désigner les autres crimes commis par des étrangers contre notre peuple. Cela nous les connaissons mieux que quiconque. Nous avons maintenant des écrits et des enquêtes faites par des hommes honnêtes. Elles sont basées sur des sources aussi sérieuses que les archives américaines elles-mêmes.

Nous avons déjà publié dans Khemara Jati[2], numéro 114 du 1er juillet 1996 des extraits du livre de William Shawcross: "Une tragédie sans importance", édition Balland, 1979 et d'autres textes concernant les bombardements américains démentiels et criminels sur notre pays en particulier de janvier au 15 août 1973. L'auteur qualifie ces bombardements de "crimes de guerre" selon l'article 6.b. des statuts du Tribunal Militaire International, institué après la Seconde Guerre mondiale. Une évaluation récente du nombre des victimes et des dégâts se trouve dans le livre "Les clés du Cambodge" par Raoul M. Jennar[3]:

"Il est extrêmement difficile de concevoir pays plus complètement détruit que le Cambodge.
"La guerre de 1970-1975, qui avait été précédée par des opérations secrètes de l'aviation américaine opérant à partir du Sud-Vietnam et de la Thaïlande, a détruit les infrastructures et les équipements. Elle a fait entre 800 000 et un million de morts. Comme l'écrivait le journaliste britannique William Shawcross, "après les bombardements des B 52 américains, le vieux Cambodge avait disparu". Presque toutes les réalisations (routes, écoles, hôpitaux, dispensaires, appareil industriel) du protectorat français et des années 1953-1970 étaient soit très gravement endommagées, soit anéanties."


Au sujet de la guerre chimique au Cambodge il faut se reporter au livre "Harvest of Death" par un groupe de chercheurs J. B. Neilands and others dont deux professeurs d'université Arthur H. Westing (biologiste) et E.W. Pfeiffer (zoologiste), édition Collier-Macmillan Limited, London, 1972.

W. Shawcross a donc clairement porté par écrit en 1979 une très grave accusation contre le gouvernement des États-Unis, celle de commettre des "crimes de guerre" au Cambodge. Depuis, près de vingt ans après, aucun gouvernement américain n'a osé attaquer Shawcross en justice. Pourquoi? Est-ce parce que cette accusation est justifiée? Alors quel tribunal jugera les États-Unis pour ces "crimes de guerre" contre le Cambodge? Rappelons aussi que Shawcross est contre la continuation de la guerre au Cambodge depuis 1993.

Ainsi les États-Unis d'Amériques sont les premiers accusés. Ils ne sont donc pas qualifiés pour chercher à organiser ou instituer un "Tribunal International" pour juger qui que ce soit au Cambodge, d'autant plus que la commission chargée de le préparer est présidée par un Ben Kiernan, un Australien qui écrit des livres sur le Cambodge d'après des informations données principalement par les communistes vietnamiens. Cette commission manque donc manifestement au départ d'impartialité. Est-ce étonnant? Au fait, l'Australie a exterminé combien de centaines de milliers voire de millions d'aborigènes dans sa courte histoire? Le "Tribunal dit international" que veut instituer Ben Kiernan sera-t-il différent au point de vue de l'état d'esprit de celui institué par les Vietnamiens en 1979 à Phnom Penh? Ce n'est pas parce que la Commission Ben Kernan a des moyens financiers pour mettre ses conclusions sur Internet pour que celles-ci deviennent plus crédibles. Rappelons que l'on peut acheter toutes les drogues "librement" sur le Net. Les pédophiles, les détraqués sexuels, les propagandes fascistes et hitlériennes etc., s'en donnent à cœur joie le plus librement du monde. Les terroristes se communiquent aussi sur le Net etc. On peut mettre tout sur le Net dès qu'on a l'argent. Il y a donc de tout sur le Net, du bon, d'utile, de moins bon, de mensonge de tout ce que l'on veut. Les conclusions de Ben Kiernan rejoignent donc nécessairement la propagande vietnamienne contre notre peuple. C'est normal.

Ce qui est sur le Net n'intéresse que peu de Cambodgiens. Car combien d'entre eux ont les possibilités d'interroger le Net? Le plus important pour nous est que depuis 1986, après l'échec de la campagne pour la réalisation du plan "K5" consistant à mobiliser plus d'un million de Cambodgiens pour la construction du sinistre "Mur de Bambou" (Combien de centaines de milliers de morts? de blessés? d'amputés? de malades pour le restant de leur vie?), Hanoi sait qu'il ne peut plus vaincre la lutte du peuple cambodgien sur le seul plan militaire. Cependant, avec les aides matérielles financières et politiques des Occidentaux venant à point remplacer les aides soviétiques, il espère gagner du temps et vaincre par la désunion des Cambodgiens. Mais depuis décembre 1991, la population urbaine entre à son tour dans la lutte. Alors la guerre vietnamienne contre le peuple cambodgien ne peut plus être gagnée. L'initiative de la lutte est entre nos mains. En cette fin de la 18è saison des pluies, le peuple cambodgien commence à voir les lumières de la sortie du tunnel, c'est-à-dire la victoire finale sur les communistes vietnamiens.

Le gouvernement des États-Unis a une revanche à prendre contre les Khmers Rouges du Kampuchea Démocratique qui les ont battus en 1975 comme le rappelle Time International du 7 novembre 1994, article de Frank Gibney JR., intitulé "Mountain of sadness" pages 28 et 29:

"Given the vivid memories of a war lost to the Khmer Rouge 20 years ago, Western government remain leery of committing substantial military aid to Cambodia. Fortunately for Phnom Penh, the Khmer Rouge, which used to be supplied by China, are no longer getting much outside help either." (Donc haro sur les faibles. Pourtant les Occidentaux ignorent-ils qu' "A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire"? Au fait le "petit et faible" Cambodge est-il déjà un pays vaincu? Ne dit-on pas qu' "Il ne faut jamais vendre la peau de l'ours qu'on ne l'ait mis par terre"?).

Remarquons à ce sujet que les Occidentaux, en particulier la France et les USA, se font battre successivement au Vietnam. La France a perdu plus de 50 000 tués de 1945 à 1954, les USA ont eu près de 50 000 militaires tués de 1964 à 1973. Faut-il tuer autant d'Occidentaux pour avoir leur estime? Le monde ne prend donc en considération que les paroles des forts? C'est aux Cambodgiens de bien prendre conscience, de cette vérité. Nos compatriotes ont trop tendance à l'oublier. Le Vietnam jamais: "La force militaire est le moyen essentiel du Parti pour la réalisation de tous ses objectifs politiques". (Général Vo Nguyên Giap). Dans tous il y a la transformation du Cambodge en province vietnamienne. On se venge toujours comme on peut, de préférence, sur les faibles ou que l'on croit tels. Ce n'est pas moral mais c'est comme ça. Il faut seulement le savoir et en tenir compte. Le monde n'est-il gouverné que par des "monstres froids" sans âme, comme aimait à le rappeler Raymond Aron?

Enfin le gouvernement des États-Unis sont-ils habilités pour juger qui que soit? En effet combien de millions, voire de dizaines de millions d'indiens ont été exterminés dans ce pays? Combien y en a-t-il de survivants actuellement? Combien de millions d'esclaves noirs ont été importés d'Afrique dans des conditions pires que des animaux? Combien de millions en sont morts dans des conditions atroces? Si l'Afrique de nos jours n'arrive pas encore à se relever de la pauvreté, ne provient-il pas au moins en partie de cette ponction sans précédent d'entre 50 à 120 millions de ses meilleurs enfants, pour aller servir d'esclaves dans les deux continents américains? (D'après les évaluations des historiens). A-t-on déjà oublié le Ku Klux Klan qui sévissait jusqu'à la fin des années 1960? La lutte courageuse, pour le droit des noirs du célèbre pasteur Martin Luther King, assassiné le 4 avril 1968? L'assassin reste toujours introuvable. Dans l'Amérique de cette fin du XXème siècle, certes la situation des Noirs s'est pas mal améliorée. Les Noirs ont en principe les mêmes droits que les Blancs. Mais ont-ils le même niveau de vie donc les mêmes libertés que les Blancs? Les Noirs représentent 15% de la population, mais les 70% des plus pauvres. Le fils de Martin Luther King a raison de répondre par la négative à la veille des récents Jeux Olympiques d'Atlanta, ville natale de l'illustre pasteur noir. En effet les Noirs représentent moins de 15% de la population américaine. Mais plus de 50% des plus pauvres sont des Noirs. Ainsi les Noirs des États-Unis comme tous les déhérités du monde continuent à subir le nouvel esclavage engendré par l'ignorance te la pauvreté.

Dans l'histoire il n'y a qu'un Tribunal International pour juger les "Crimes contre l'humanité", c'est celui de Nuremberg (14 novembre 1945 à 25 octobre 1946) pour juger les crimes nazis commis par les Allemands vaincus. A part cela, chaque pays institue son propre tribunal pour juger ses ressortissants. En France par exemple, le Général de Gaulle, a libéré son pays de la domination allemande; il a commué la peine de mort requise contre Pétain, le chef du gouvernement collaborateur et responsables des nombreux crimes, en un emprisonnement à vie. Il a ainsi rapidement ressoudé l'unité de la France pour entreprendre sa reconstruction avec la rapidité que l'on sait. Jusqu'à ce jour, plus de 50 ans après la fin de la guerre un seul Français est condamné récemment pour "crime contre l'humanité" par un tribunal français. En Allemagne, après Nuremburg, aucun tribunal allemand n'a condamné un allemand pour cime pendant la dernière guerre. Mais quel tribunal condamnera les criminels japonais pour les crimes commises sur les peuples d'Asie et au Cambodge en particulier? Qui condamnera les crimes commis par les agresseurs vietnamiens contre notre peuple depuis bientôt 18 ans? Comme ceux lors de la construction du sinistre "Mur de Bambou" par exemple? Combien de Cambodgiens sont morts durant ces 18 ans sous le régime totalitaire de terreur instauré par les maîtres vietnamiens et par leur guerre d'agression et de destruction? etc. Combien sont morts à cause de la continuation de la guerre financée par les Occidentaux depuis ces cinq dernières années? Combien continuent de mourir sous le régime qui transforme le Cambodge en poubelle pour tous les vices de la planète? Quelle nation au monde peut accepter que des puissances étrangères viennent diviser arbitrairement et en permanence son peuple en deux catégories, en bon et en mauvais? alors qu'elle a besoin de tous ces enfants dans sa lutte légitime pour recouvrer son indépendance, sa souveraineté et son intégrité territoriale?

Il est donc légitime et moral que c'est au seul Cambodge indépendant et souverain dans son intégrité territoriale, à l'instar de toutes les nations indépendantes et souveraines, qu'il appartiendra d'instaurer un tribunal pour juger ceux qui ont commis des crimes contre son peuple, en particulier ceux qui se mettent à genoux devant les communistes vietnamiens, leur permettant ainsi de dominer notre pays si longtemps. L'histoire nous enseigne que l'avenir et la vérité appartiennent toujours aux forts et aux vainqueurs. Les faibles et les vaincus ont le droit de méditer dans le silence des tombeaux et des prisons, ils n'ont pas le droit à la parole, ils ont donc toujours torts comme le mouton de la fable. Le Cambodge n'est pas et ne sera jamais dans ce dernier cas. Certes la lutte reste encore longue. Mais nous avons maintenant la certitude que nous vaincrons.
Note :
[1]Article du journal Libération du samedi 28 et dimanche 29 septembre 1996 d'Alain Lebas. Cet article est traduit en khmère et publié dans Khemarajati n°120 du 1er au 15 novembre 1996.
[2]Khemarajati est une fédération des presses cambodgiennes à l'étranger réunissant 8 journaux cambodgiens de l'Europe, du Canada et des États-Unis.
[3]Edition: Maisonneuve et Larose, 1995, page 32

CHAPITRE II.

II.

"Ne pouvant faire que le juste soit fort,
on fait en sorte que le fort fût juste"

Blaise Pascal dans Pensées.

Avant de reproduire ci-dessous des extraits du livre "Silence on tue" d'André Glucksmann et de Thierry Wolton, Edition Grasset, 1986, nous désirons faire encore quelques observations:

a/ Au moment de l'entrée des troupes Khmères Rouges dans Phnom Penh, le 17 avril 1975, une grande partie de la population était sous alimentée voire connaissait même la famine: "Par la suite, pendant toute la durée de cette longue guerre, les arbres moururent parce que la population (de Phnom Penh) affamée arrachait leurs écorces pour les manger.[1]";

b/ Pour évaluer le nombre de morts par actions criminelles pendant la période 1975-1978, certains auteurs ont recours à l'étude de l'évolution démographique. Dans cette recherche, ils ont systématiquement omis le million de tués des bombardements démentiels américains. D'autre part, dans un pays occupé par les communistes vietnamiens et gouverné par un régime totalitaire, il est pratiquement impossible de faire une évaluation même approximative de la population du Cambodge. L'ONU, pendant deux ans, avec plus de 20 000 hommes et un budget de 3 milliards de dollars US, n'a pas pu le faire. Donc les conclusions ne sont pas crédibles. En général ces auteurs arrivent seulement à plus ou moins confirmer les chiffres donnés pas les agresseurs vietnamiens, c'est-à-dire donner raison à ceux qu'ils croient être les vainqueurs définitifs. Pour eux les vainqueurs n'ont-ils pas toujours raison?

c/ La grande majorité des Cambodgiens qui vivent actuellement hors de leur pays ont quitté leur patrie soit avant l'entrée des Khmers Rouges dans Phnom Penh le 17 avril 1975, soit après l'agression vietnamienne le 25 décembre 1978. Dans le deuxième cas ils ont fui la guerre et le régime concentrationnaire imposés par l'ennemi. Il en est de même des plus de 90% des cinq cent mille réfugiés qui vivaient dans des camps à la frontière thaïlandaise de 1979 à 1993;

d/ Dès les premiers jours de 1979, les agresseurs vietnamiens annonçaient que le nombre de morts pendant la période 1975-1978 est de 3 millions. Comment peuvent-ils avancer ces chiffres en si peu de temps? Ces chiffres sont après adoptés en chœur par l'ensemble des médias occidentaux sans le moindre esprit critique. La palme revient au "Figaro magazine" du 15 septembre 1990 qui publie sans sourciller, sous la plume de son envoyé spécial au Cambodge:

"3 314 768 morts: c'est le dernier chiffre officiel - et inouï - du malheur cambodgien." (!)

Ces chiffres à l'unité près ne sont-ils pas, en eux-mêmes, encore plus inouïs? Jusqu'où peut atteindre la crédulité d'un journaliste occidental? Après cela comment peut-on encore croire aux médias qui se prétendent "objectifs"? Les envoyés spéciaux ne sont-ils pas programmés pour ne voir et entendre que ce qu'on leur demande de voir et entendre? Ceux qui ne le font pas sont expulsés sans ménagement par les autorités téléguidées de Hanoi, comme certains journalistes du journal parisien Libération par exemple.

Même de nos jours en 1996, il y a encore des manuels scolaires au Cambodge qui avancent des chiffres du même ordre. Des écoliers cambodgiens du primaire demandent ingénument à leurs instituteurs "Comment le savez-vous? Est-ce que vous les avez compté vous-même? Maître? pour l'affirmer avec tant de conviction?".

Dans le milieu des années 1980, la CIA avançait le chiffre de 100 000 morts. Parce qu'à ce moment là les États-Unis et les Occidentaux aidaient la lutte du Kampuchea Démocratique contre le Vietnam alors allié de la puissante ex-URSS. A cette période l'URSS utilisait les bases militaires vietnamiennes de Danang et de Cam Ranh. Depuis la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989, la CIA a changé d'avis, parce que le gouvernement américain, n'ayant plus à craindre la puissance soviétique, veut courtiser les communistes vietnamiens pour contrer la montée en puissance de la Chine communiste. En plus, Hanoi faisait miroiter les possibilités d'utilisation des bases militaires de Danang et de Cam Ranh. A ce jour Washington a-t-il obtenu l'utilisation, au moins, de l'une de ces deux bases militaires? Washington ne se laisse-t-il pas de nouveau berné par Hanoi?

Il faut remarquer aussi qu'en 1965, Suharto a ordonné le massacre de tous les communistes indonésiens. Après une tuerie sauvage de 500 000 d'entre eux ou prétendus comme tels, il fut obligé de l'arrêter, car le massacre commença à atteindre les membres mêmes de la famille des bourreaux. A cette époque l'Indonésie comptait plus de 100 millions d'habitants. Donc il y a des limites au massacre d'une population. Quel "Tribunal International" mettra Suharto en accusation pour ce massacre? De nos jours, avec Suharto vieillissant, l'Indonésie de 200 millions d'habitants connaît des jours troubles. En plus elle n'arrive pas à légitimer sa domination sur le Loro Sae, pays de 14 874 km2 avec une population de 800 000 âmes, que Suharto a envahi le 7 décembre 1975. Depuis il y aurait déjà 200 000 morts selon certaine source. Quel tribunal jugera ce nouveau massacre qui est un génocide caractérisé? Est-ce pour ces raisons que Suharto s'entend si bien avec le régime de Phnom Penh?

Le Prix Nobel de la Paix 1996 vient d'être attribué à deux militants pour l'autodétermination du Loro Sae: un évêque catholique, monseigneur Carlos Filipe Belo et un résistant José Ramos Horta. Ce dernier vit en exil à Lisbonne et, surtout à Sydney, en Australie (parce que l'Australie a des problèmes de frontière avec l'Indonésie), d'où il dirige "Le Conseil national de la résistance maubère (nom du peuple de Loro Sae). Le vrai chef de la résistance Xanana Gusmao est détenu depuis 1992 à Djakarta et condamné à vingt ans de prison. Rappelons que la militante pour la démocratie en Birmanie Aung San Suu Kyi a aussi obtenu le Prix Nobel de la Paix en 1991. Le jury d'Oslo pensera-t-il au Cambodge pour un de ses prochains Prix de la Paix?

e/ S'il y avait réellement deux à trois millions de morts pendant la période 1975-1978, plus un million causés par les bombardements démentiels et criminels de l'US Air Force, cela fait plus de trois à quatre millions sur une population de huit millions. C'est-à-dire près de la moitié. Alors comment les Cambodgiens ont-ils pu résister efficacement jusqu'à présent contre le rouleau compresseur de la fameuse armée vietnamienne, puissamment aidée par l'ex-URSS? Cette armée qui a vaincu successivement les Français, puis les Américains?

f/ Dans tous les pays du monde, on a un respect pour les morts. Sophocle, il y a 25 siècles en a tiré un drame célèbre parce que Antigone voulait donner une sépulture à la dépouille mortelle de son frère contre la volonté du tyran de Thèbes. Nulle part ailleurs qu'au Cambodge, même dans les anciens camps de concentration hitlériens, on n'expose des ossements humains. La dignité humaine oblige qu'ils soient ensevelis avec tous les égards dus aux défunts. Comment la communauté internationale peut-elle accepter un tel manquement à un devoir si élémentaire qui distingue l'homme de l'animal? Le premier droit de l'homme n'est-elle pas le droit des morts à avoir une sépulture? Ce droit acquis depuis 100 000 ans? Les morts Cambodgiens sont-ils moins respectables que les autres?

C'est pour toutes ces raisons que, au nom de la dignité humaine, des droits les plus élémentaires de l'Homme dont le premier est de pouvoir vivre dans un pays libre, indépendant, souverain dans son intégrité territoriale, de l'équité et de la justice, les gouvernements des États-Unis, du Japon, de l'Australie, de la Chine, de la France et des autres pays de l'Europe occidentale doivent cesser immédiatement leurs aides criminelles au régime que les vietnamiens ont installé à Phnom Penh depuis le 7 janvier 1979. Il y va de leur dignité et de la crédibilité en leur credo dans la "défense des fameux droits de l'homme" qu'ils proclament haut et fort partout.

Note :
[1]W. Shawcross dans "Une tragédie sans importance" p.184.

TUOL SLÈNG : Musée des tortures

TUOL SLÈNG, MUSÉE DES TORTURES
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Orfèvres en la matière, les Vietnamiens n'ont guère économisé sur les moyens de la mise en scène. Émérite bateleurs d'un Luna-Park historico-mondial, ils allumèrent la clientèle avec un aplomb dans la falsification et une absence de pudeur dans le mensonge qui confinent au génie.
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À l'origine, Tuol Slèng était un lycée. Aujourd'hui, c'est un musée des horreurs qui témoigne de la folie meurtrière des Khmers rouges. Douze mille personnes ont ici trouvé une mort abominable.

MUSÉE DES TORTURES

"Les salles de classes, au rez-de-chaussée du premier immeuble, avaient été utilisées comme chambre de tortures. Chacune contenait un lit de métal auquel la victime était attachée, un bureau d'écolier et une chaise pour l'interrogateur. (...) Dans chaque cellule, une grande photo montrait la pièce telle que l'avaient apparemment découverte les Vietnamiens après l'invasion. Les Khmers rouges avaient filé avec une telle hâte que des corps en décomposition avaient été découverts encore attachés au lit dans plusieurs cellules. (...) Dans une autre pièce, un énorme tas de vêtements noirs gisait le long du mur (...). On me dit qu'il s'agissait des vêtements des prisonniers morts. (...) Les prisonniers de Tuol Slèng avaient presque tous été photographiés soit à leur arrivée à l'école, soit après leur mort atroce. Les Vietnamiens avaient retrouvé les négatifs, les avaient développés et fait agrandir, et le résultat était aujourd'hui exposé sur les murs."
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Tuol Slèng faisait partie du circuit proposé aux journalistes qui se rendirent au Cambodge après la "libération". Les nouvelles autorités l'avaient ouvert dès août 1979, en même temps que les rares hôtels pouvant encore accueillir des étrangers dans Phnom-Penh dévastée. Les terribles reportages sur Tuol Slèng ont immédiatement fait le tour du monde. Images d'horreur où se confondaient l'enfer du passé khmer, le soulagement de la "libération" vietnamienne et le devenir du peuple cambodgien en apparence ravagé par la famine. Tuol Sleng a ainsi contribué à fausser les jugements sur l'état réel du pays. Pour les visiteurs, le calvaire passé des prisonniers venait en surimpression aux conditions de vie dans le Cambodge "libéré". Les nouvelles autorités jouaient sur un principe orwellien connu: le passé couvre le présent, les crimes d'hier excusent ceux d'aujourd'hui. Autrement dit, plus le pays paraissait en ruine plus grande était le mérite des "libérateurs", et plus se justifiaient les difficultés présentes.

Avant même d'ouvrir les frontières à l'aide internationale, Phnom Penh organisa en grande pompe un tribunal révolutionnaire du peuple pour juger le génocide commis par la clique Pol Pot-Ieng Sary" devant cinq cents délégués cambodgiens et étrangers. Comme prévu, le verdict condamna à mort les deux dirigeants Khmers rouges. À cette occasion, le "tribunal" affirma que trois millions de Cambodgiens avaient disparu depuis 1975. À en croire Phnom Penh, le pays ne comptait plus que quatre millions et demi d'habitants. Un an plus tard, les Cambodgiens étaient six millions et demi, selon les mêmes sources officielles. Miracle de la nature? Entre ces deux estimations les autorités avaient simplement changé d'objectif. En 1970, il fallait apitoyer les donateurs occidentaux, insister sur les massacres khmers rouges. En 1980, il s'agissait d'obtenir le maximum d'aide par tête d'habitant. Les Cambodgiens s'étaient multipliés comme des petits pains.

Le "tribunal révolutionnaire" proposa aussi pour la première fois l'équation Pol Pot = Hitler, reprise ensuite dans le monde entier. L'analogie historique soufflée en coulisse par les Vietnamiens disculpait le maxisme-léninisme dont s'étaient inspirés les Khmers rouges électrisés par la démence sanglante d'un dirigeant. Pourquoi pas Pol Pot = Staline? Parce que Hitler = Occident. Lavé de ses crimes, le communisme, avenir du Cambodge "libéré", restait au-dessus de tout soupçon.

À l'étranger, la formule "Pol Pot = Hitler asiatique" fit recette. Le raccourci lava les mémoires et permit nombre de simplifications, entretenues en sous-main par les Vietnamiens. Tuol Sleng avait été aménagé dans le seul but d'imposer l'amalgame avec les camps d'extermination nazis. Les effets personnels des prisonniers assassinés, soigneusement alignés dans une salle, les photos des supplices ostensiblement épinglées évoquaient immanquablement Auschwitz.

Sublime manipulation mais sinistre montage. L'agencement du "musée" avait été supervisé par des conseillers est-allemands, son "conservateur", l'un des rares rescapés de Tuol Sleng, avait visité les vestiges de Buchenwald, en RDA, pour s'en inspirer. Village Potemkine inversé, Tuol Sleng était devenu une gigantesque forfaitaire, aménagée matériellement et idéologiquement pour mieux piéger la mauvaise conscience occidentale. La prison, centre de torture pour cadres khmers rouges "déviationnistes". où l'élite du Parti s'appliquait à elle-même les meilleures recettes des procès staliniens et l'autocritique maoïste, n'a jamais été un camp d'extermination pour larges masses (1) et "races inférieures". La plupart des visiteurs n'y ont vu que du feu, ou plutôt revu en cauchemar des monceaux d'ossements calcinés, incroyable miracle de la suggestion. Le décor en place, il suffit de laisser parler les imaginations pour réveiller de vieux remords. Cette première phase réussit parfaitement. "Écho d'Auschwitz", titra le Daily Mirror britannique en publiant début septembre 1979 l'un des premiers reportages sur Tuol Sleng.

"Les assassins, comme les nazis, photographiaient leurs victimes après leur mort", ajoutait le quotidien. Ce pas franchi, un mécanique glissement s'effectua entre Pol Pot = Hitler, Tuol Sleng = Auschwitz, génocide cambodgien = holocauste des juifs. CQFD:"l'Holocauste cambodgien", titra un grand hebdomadaire français. Une belle tournure journalistique, prompte à émouvoir le lecteur, mais gommant quelques spécificités historiques. Choqués par ce que l'on leur avait laissé voir, les visiteurs témoignèrent avec leurs tripes, perdant le sens de l'espace et du temps.

Le passé vient contaminer la perception du présent. L'holocauste cambodgien ne décrivit plus la seule terreur khmère rouge. L'expression servit aussi à dépeindre l'état du pays, saigné à blanc par le "Hitler asiatique". Les images d'enfants squelettiques, de paysans anémiés se mêlaient à celles des suppliciés de Tuol Sleng-Auschwitz. C'était maintenant la mort en direct qui se jouait sur la scène internationale. "Il y a trente-sept ans, commençait un holocauste qui devait ravir la vie à plus de six millions d'êtres humains, déclarait le 24 octobre 1979 le président Carter. Le monde demeura silencieux, une défaillance morale dont l'énormité stupéfie toujours l'esprit. Nous faisons face une fois encore à la menace d'une mort évitable pour des millions de gens, et cette fois nous devons agir rapidement."

Depuis le début du siècle, le nombre des organisations non gouvernementales (ONG) a été multiplié à cent cinq. Dans le seul domaine de la coopération pour le développement, l'OCDE en recensait mille sept cent une en 1981. La plupart de ces organisations sont des associations à but non lucratif financées par des dons privés et des subventions publiques, étatiques et inter-étatiques. La communauté économique européenne participe au financement de cinq cent dix-neuf organisations charitables qui ont leur siège dans les États membres. Commencée en 1976, cette coopération a permis en 1983 le cofinancement de mille trois cent vingt-sept projets de développement dans le tiers monde pour une somme avoisinant sept cent trente-cinq millions de francs en six ans. Pour 1984, le budget européen a consacré deux cent dix millions de francs à ces projets.

La générosité du public croît d'autant: les Français consacrent sept fois plus d'argent aux organismes d'aide qu'il y a dix ans. Ils restent pourtant réticents comparés à leurs voisins britanniques ou belges qui donnent de trente à quarante fois plus qu'eux, ou par rapport au public américain qui verse chaque année près de cinq milliards de dollars à l'aide humanitaire.

En un peu plus d'une décennie, la charité est devenue un authentique business, pour reprendre l'expression du livre de Bernard Kouchner, Le "marché" augmente à chaque grande mobilisation de l'opinion publique occidentale en faveur d'une cause. En 1971-73, le Bangladesh a reçu 1,3 million de dollars pour secourir les victimes de la guerre avec le Pakistan. En 1979-81, près d'un milliard de dollars ont été versés au Cambodge pour la famine dont personne n'a jamais pu évaluer l'ampleur. Dans la seule année 1985, l'Éthiopie a reçu 1,4 milliard de dollars d'aide.

Une agence comme Oxfam reflète cette croissance. Créée en 1942 à Oxford pour venir en aide aux enfants grecs victimes de la guerre et de la famine, son budget a crû de cent mille livres sterling au début des années cinquante à plus de quarante millions pour l'exercice 1984. Spécialisée à l'origine dans la fourniture de vêtements et de nourriture aux réfugiés, l'organisation s'est peu à peu transformée en une agence de développement (approvisionnement en graine, construction de puits, formation de personnel para-médicaux, etc). Aujourd'hui, Oxfam patronne mille neuf cent soixante projets de développement, dans soixante-quatorze pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine. En plus des dons privés et des subventions publiques, son financement est assuré par un réseau original de sept cents boutiques, réparties en Grande-Bretagne, qui vendent des produits artisanaux venus du monde entier.[1]

Note :
[1]Extrait de SILENCE ON TUE de A. Glucksmann et T. Wolton, éd. Grasset 1986.

CONCLUSION


CONCLUSION

Historiquement, les nations européennes, avec des frontières linéaires s'étaient constituées après la victoire des luttes de leurs peuples contre la domination napoléonienne au siècle dernier. De même la nation américaine s'était constituée après la victoire de la lutte de son peuple contre la domination anglaise. C'est aussi dans les luttes actuelles contre la domination vietnamienne et en chassant les oppresseurs étrangers que se constituera la nation cambodgienne dans son intégrité territoriale.

Depuis les grandes manifestations des 20 et 21 décembre 1991 à Phnom Penh et dans d'autres villes de province contre la domination vietnamienne suivies d'une répression d'une sauvagerie inhumaine[1] par la police vietnamienne qui tirait sur la foule sans arme à bout portant, c'est le peuple cambodgien qui a l'initiative des combats. Maintenant, partout, à la campagne comme dans les villes, en particulier à Phnom Penh, dans le monde, comme en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Canada, aux États-Unis et en Europe, les Cambodgiens, de toutes opinions religieuses ou politiques se lèvent chaque jour plus nombreux pour se battre pour la liberté, l'indépendance, le droit d'être maître chez soi, la démocratie, la paix et le droit de se constituer en nation, chacun selon ses capacités et ses possibilités. La nature de la lutte contre la domination vietnamienne connaît ainsi un tournant décisif.

Le mot nation est utilisé pour la première fois en politique par le Parti Démocrate en 1946. Ce mot était mobilisateur, quoiqu'à cette époque personne n'a pensé à élaborer son concept . Maintenant quoiqu'encore flou il est en train de se concrétiser, sa définition de se préciser. Tous les Cambodgiens aspirent à la paix, à la réconciliation nationale entre toutes les forces sans exclusives qui luttent pour libérer la patrie de la domination vietnamienne ainsi que pour la construction d'un État national et d'une Armée nationale capables de défendre la patrie, nos frontières et les intérêts fondamentaux de l'ensemble de notre peuple. C'est la première fois dans notre histoire que ces aspirations apparaissent avec une telle netteté, une telle vigueur et une telle détermination. Aucune force au monde ne pourra plus vaincre notre volonté éclairée par ces idées.

En effet une nation c'est:
1/ un territoire bien déterminé, donc avec des frontières bien déterminées;
2/ un peuple uni par la langue, la culture et l'histoire. C'est avoir vécu ensemble, avoir partagé des heurts et malheurs ensemble, c'est avoir combattu et vaincu ensemble pour conserver notre terre, c'est continuer à se battre ensemble contre toute agression étrangère pour pouvoir continuer à vivre ensemble libre, prospère et heureux en paix.
3/ un État, avec une armée et une police nationales capables de défendre et d'assurer:
a/ l'indépendance et la souveraineté de la nation dans son intégrité territoriale donc ses frontières bien définies,
b/ la paix, la sécurité individuelle, l'égalité des droits, la justice sociale, la liberté, la démocratie, la cohésion et la solidarité de l'ensemble du peuple, la protection de la propriété privée et publique. Ce programme est en train de recueillir l'unanimité de l'ensemble de l'opinion de tous les compatriotes cambodgiens à tous les niveaux.

Les moyens de communications modernes rendent la terre toujours plus petite. En plus notre pays se trouve placé par la géographie au centre du Sud-Est Asiatique, une zone en pleine expansion économique, donc de grands conflits d'intérêts géostratégiques des super et grandes puissances. Donc un Cambodge souverain et indépendant de toutes influences extérieures est dans l'intérêt de la paix et de la stabilité de tous les pays de cette région. Il est donc aussi de l'intérêt des super et grandes puissances de ce monde. Le peuple cambodgien lutte actuellement pratiquement seul contre la domination des communistes vietnamiens aidés par un certain nombre de super et grandes puissances. Notre victoire sera donc due essentiellement à la détermination et à la volonté de notre peuple. Elle sera donc garante de notre indépendance réelle vis-à-vis de tous. D'autre part un Cambodge véritablement indépendant et souverain ne peut constituer une menace pour aucun autre pays.

Nous faisons donc appel à tous les peuples et pays épris de paix et de liberté dans le monde, en particulier ceux des États-Unis, du Japon, de Chine, d'Australie, de Nouvelle-Zellande, du Canada et de l'Europe occidentale pour qu'ils soutiennent la légitimité et juste lutte du peuple Cambodgien pour une véritable réconciliation nationale sans exclusive, l'indépendance, l'intégrité territoriale, la paix, la liberté, la démocratie, la justice. N'y a-t-il pas déjà assez de morts, de martyrs, de mutilés, d'orphelins, de veuves dans notre chère patrie si durement meurtrie?

Nous exprimons par avance notre profonde gratitude pour tous les actions faites en ce sens en particulier pour que leurs gouvernements cessent toutes les énormes aides et soutiens au régime totalitaire vietnamien installé à Phnom Penh qui continue à faire la guerre contre le peuple cambodgien. Cet argent dépensé en pure perte pourrait plus utilement servir à aider les plus pauvres et les plus démunis dans le monde, y compris dans les pays donateurs.

Notes :
[1] La police vietnamienne refuse de rendre les cadavres à leurs parents, tue tous ceux qui s'en approchent, leurs interdisent de faire la moindre cérémonie religieuse à la mémoire des défunts et d'en parler à qui que ce soi. A ce jour nous ignorons toujours le nombre et le nom des morts et des blessés. Quelle commission fera cette enquête?

ANNEXE : Cambodge et USA


CAMBODGE ET USA

I.- Nous devons nous souvenir:

"... en 1973, lorsque les accords de Paris empêchèrent les Américains d'abord de bombarder le Viêt-nam, puis le Laos, la totalité de la 7ième force aérienne revient au Cambodge. Toutes ces manoeuvres relevaient plus d'exigences politiques ou organisationnelles à Washington et au Viêt-nam du Sud que les besoins militaires du gouvernement Lon Nol. Jusqu'en août 1793, date à laquelle le Congrès arrêta totalement les bombardements, des centaines de milliers de bombes, lâchées par les armées de l'air américaines, sud-viêtnamienne ou cambodgienne, dégringolent, sans faire l'objet d'aucun rapport ni d'aucun contrôle, sur des régions occupées d'abord par les nord-viêtnamiens, puis par les Khmers rouges.

"... On pourrait avancer que cette utilisation de puissance aérienne constitue un cas évident de violation de la Loi internationale. L'article 6.b. des statuts du Tribunal Militaire International, instituée après la Seconde Guerre mondiale, définit les "crimes de guerre" comme des violations de la Loi ou des coutumes de guerre." (page 222)

"... La Maison Blanche ne tint aucun compte de l'Accord qu'elle avait passé avec le Congrès, qui stipulait que les bombardements ne devaient pas s'intensifier pendant les derniers quarante-cinq jours de la guerre. En juin 5064 sorties tactiques furent effectuées au-dessus du Cambodge. Ce chiffre passa de 5,818 pour le mois de juillet, et à 3,072 pour la première quinzaine d'août. Pendant ces derniers quarante-cinq jours, les bombardements tactiques augmentèrent de 21%. Le bombardement des B52 s'intensifia également, alors qu'ils étaient déjà utilisés à peu près à plein rendement. Le 15 août, lorsque les derniers avions américains lâchèrent leurs chargements, le tonnage total de bombe tombé sur le Cambodge depuis l'opération Petit-Déjeuner s'élevait à 539,129, dont presque la moitié, soit 257,465 tonnes, au cours des six derniers mois (pendant la Seconde Guerre mondiale, 160,000 tonnes furent lâchées sur le Japon.) Les cartes de l'armée de l'air sont couvertes de taches noires représentant les milliers de kilomètres carrés de régions fertiles et à forte densité de population noyés.

Les effets immédiats et les effets durables de ces bombardements massifs et concentrés ne seront probablement jamais connus avec précision.

Les estimations vont de 500 000 à 800 000 Cambodgiens morts durant la guerre de 1970-1975. Combien par ces bombardement sauvages?
[1].

II.- Après 5 mois de bombardements intensifs sur le Cambodge sans résultat, et obligé par le Congrès américain de les arrêter le 15 août 1973 au plus tard, le Président des États-Unis d'Amérique était au comble de son impatience comme l'a noté William Shawcross (Une tragédie sans importance, page 220, en note): "Nixon eut un accrochage très sérieux avec le Pentagone au sujet de la quantité de B52 supplémentaires à envoyer en Indochine, à cette époque-là. Robert Seamans, ministre de l'armée de l'air, décrivit la dispute dans l'entretien, destiné aux "Archives secrètes parlées", qu'il raconta après avoir démissionné de son poste. "Le président voulait envoyer une centaine de B52 supplémentaires: c'était invraisemblable; on ne savait même pas où on allait les mettre, vous comprenez. Comment allait-on les répartir, et sur quelles bases? Et il fallait les installer dans un endroit comme l'aéroport international de Bangkok. Et les Thaïs avaient beau être extrêmement coopératifs, ils n'avaient pas du tout envie d'avoir sous leur nez une pareille quantité de B52. Ils finirent par accepter quelques avions-ravitailleurs de plus, mais pas beaucoup. M. Rush et l'amiral Moorer allèrent alors trouver Kissinger pour lui expliquer pour quelles raisons on ne pouvait pas dépasser un certain nombre d'avions supplémentaires, et leurs raisons furent rejetées. Je crois que c'était au moment où le président allait à Moscou[2]... En tout cas, on lui fit parvenir un message dans l'avion, comme quoi il ne pouvait pas envoyer ces B52 là-bas. D'après ce que j'ai cru comprendre, la réponse qu'il donna à son atterrissage était vraiment incendiaire. Il déclara qu'il voulait qu'on lui expédie tous ces B52 là où il avait dit... Le total n'atteignit pas tout à fait la centaine, mais il y en eut quand même une bonne quantité..."

[1]Extrait du livre "Tragédie sans importance" de William Shawcross, Édition Balland 1979. opt. cité pp. 295-296.
[2]C'était le 6 juin 1973.

Et ces bombardements sauvages ?


Ces bombardements sauvages sont-ils oubliés de tous?

Réponses:

Cambodge: Le point sur la situation politique et sociale.

"Sur proposition du sénateur Charles Robb, les États Unis ont créé une commission pour enquêter sur les crimes de génocide perpétrer par les Khmers rouges. Cependant, peu de moyens sont accordés au projet seulement 400,000 dollars, aucun spécialiste américain de la question ne fait partie de la commission de recherche, dirigée par La Porta. Certains pensent que le gouvernement américain craint de se voir accusé lui-même de génocide pour ses bombardements de 1973. Ben Kernan[1]chercheur australien, estime que 450,000 bombes américaines ont été larguées sur les pays à ce moment-là, causant la mort de 50,000 à 100,000 personnes[2].

IV.- Voici les paroles de l'Amiral Richard Macke, Commandant en chef des forces américaines dans le Pacifique, relevées dans le journal Bangkok Post du 1er novembre 1994.

"Lors d'une visite à Hanoï au début de la semaine dernière, l'Amiral Richard Macke, a déclaré qu'il envisageait la coopération des Forces américaines avec le Vietnam, une fois les relations entre nos deux pays normalisées"...

Macke a déclaré qu'il n'avait pas exclu une future présence militaire américaine au Vietnam et a indiqué qu'il était intéressé par l'ancienne base américaine de Cam Ranh Bay, dans le Sud-Vietnam, actuellement base vietnamienne, où on note une petite présence russe.

"Je pense que lorsque la collaboration économique et politique débutera, alors une collaboration militaire pourrait commencer également" a-t-il ajouté.

"Les États-Unis et le Vietnam étaient ennemis dans le conflit qui a pris fin en avril 1975, quand les blindés des communistes vietnamiens sont entrés dans Saïgon (30 avril) et ont renversé le Gouvernement Sud-Vietnamien soutenu depuis plus de dix ans par les forces américaines.

"Les troupes américaines se sont retirées et le Vietnam a libéré les prisonniers (américains) de guerre après les accords de paix signés à Paris en 1973 (27 janvier). Macke a déclaré que ni la coopération militaire ni Cam Ranh Bay n'avaient été évoqué lors de sa rencontre du 25 octobre avec les ministres vietnamiens. Mais il a ajouté: "Je suis officier de marine et les officiers de marine sont toujours à la recherche de bons ports".


Notre remarque: Les Philippines ont mis fins à la présence de la base américaine de Subic Bay le 31 décembre 1992. Depuis aucun autre pays de l'ASEAN n'a accepté la présence d'une base militaire américaine sur son territoire. Voici un extrait du journal de Paris, Le Monde, du 11 novembre 1994:

"Le 6 Octobre, recevant à Washington le premier thaïlandais Chuan Leek-pai, M. Clinton lui avait demandé l'autorisation de stationner dans le golfe de Thaïlande six grands navires de transport jouant le rôle de dépôts militaires, ce golfe étant situé à peu près à mi-chemin entre le Proche-Orient et l'Asie du Nord-est, deux théâtres potentiels de conflit. Profitant de la visite, le 31 octobre à Bangkok, de l'Amiral Richard Macke, commandant en chef des forces américaines dans le Pacifique, le chef du gouvernement thaïlandais lui a communiqué une réponse négative: "Je suis désolé de ne pouvoir accepter la proposition américaine; la Thaïlande sera heureuse de poursuivre la coopération dans le domaine de la sécurité régionale, mais pas de cette façon là".

"Djakarta a aussitôt fait savoir que, même si la présence américaine était un "contrepoids nécessaire" en Asie du Sud-est, elle ne pouvait se manifester "sous la forme de bases militaires, pour reprendre un commentaire, le 2 novembre, d'Ali Alatas, ministre indonésien des affaires étrangères. Les sujets de tension dans la région, y compris en mer de Chine du Sud, dont les archipels sont, au moins en partie, objets de dispute entre six États, ne justifient pas une présence militaire américaine, a estimé, en substance, Ali Alatas. Le 7 novembre, enfin, la Malaisie a adopté une attitude à peu près identique. "Il n'y a pas de tension dans notre région, pas d'ennemis, pas de crainte... Pourquoi en créer?" a résumé Mahathir Mahommad, premier ministre du gouvernement de Kuala Lumpur.

"On pourrait en conclure que les États de l'Asie du Sud-est sont relativement satisfaits de la situation actuelle et que l'accès à des facilités navales, mises par Singapour à la disposition des États-unis au lendemain de leur retrait des Philippines, est le seul avantage militaire que l'Amérique, en temps de paix, puisse obtenir dans la région.

"Certes, le sentiment d'un manque d'urgence prévaut en ce moment. En outre, dans ce genre de dispositif, ceux qui ont la main sur un dépôt ne tiennent pas toujours compte, en cas de crises, de l'avis de ceux qui l'abritent, surtout si ces derniers sont moins puissants".

Nous pouvons nous demander pourquoi les États-unis ont-ils besoin si pressant, de ces bases militaires dans cette région, alors que les nations concernées n'en sentent pas la nécessité? Contre quels ennemis, l'Amérique veut-elle se prémunir? Au point d'avaler la honte de s'entendre avec son vainqueur d'hier? Hanoï, pour pouvoir continuer à dominer le Cambodge, est prêt à vendre son âme, donc à céder aux demandes américaines. Mais ce faisant, ne risque-t-il pas de défier son voisin du nord? De toute façon ce rapprochement USA-RSV a déjà comme conséquence la volonté forcenée des USA de légaliser le régime installé à Phnom-Penh, par la pointe des baïonnettes de Hanoï. Seule la lutte armée et politique de notre peuple peut obliger Hanoï comme Washington à changer leur politique agressive contre notre pays. L'Indépendance, la Démocratie et la Liberté ne sont jamais donnés, elles sont toujours les fruits de durs combats de tout le peuple.

Khemara Jati

[1]Notre remarque: Ben Kernan est un chercheur australien. Il est très écouté par le gouvernement australien. Pour écrire l'histoire récente du Cambodge, en particulier celle des Khmers rouges, il puise ses informations principalement auprès des communistes vietnamiens et des membres du PPC. Pour lui le problème national cambodgien n'existe pas. Les écrits de William Shawcross sont basés sur les archives du gouvernement américain et du Pentagone, donc plus sérieux "Le 15 août (1973) lorsque les derniers avions américains lâchèrent leurs changements, le tonnage de bombe tombé sur le Cambodge depuis l'opération Petit Déjeuner s'élevait à 539,129, dont presque la moitié soit 257,465 tonnes, au cours des six derniers mois. (Pendant la Seconde guerre mondiale, 160,000 tonnes furent lâchées sur le Japon). Rappelons également que Shawcross s'oppose, il y a quelques mois, aux aides militaires occiden-tales au régime de Phnom-Penh.
[2]Article dans Dossiers et Documents No 9/94 - Églises d'Asie N° 187 - 16 novembre 1994; non signé, mais on pense qu'il est de François Ponchaud, page 9.