dimanche 21 octobre 2007

CHAPITRE II.

II.

"Ne pouvant faire que le juste soit fort,
on fait en sorte que le fort fût juste"

Blaise Pascal dans Pensées.

Avant de reproduire ci-dessous des extraits du livre "Silence on tue" d'André Glucksmann et de Thierry Wolton, Edition Grasset, 1986, nous désirons faire encore quelques observations:

a/ Au moment de l'entrée des troupes Khmères Rouges dans Phnom Penh, le 17 avril 1975, une grande partie de la population était sous alimentée voire connaissait même la famine: "Par la suite, pendant toute la durée de cette longue guerre, les arbres moururent parce que la population (de Phnom Penh) affamée arrachait leurs écorces pour les manger.[1]";

b/ Pour évaluer le nombre de morts par actions criminelles pendant la période 1975-1978, certains auteurs ont recours à l'étude de l'évolution démographique. Dans cette recherche, ils ont systématiquement omis le million de tués des bombardements démentiels américains. D'autre part, dans un pays occupé par les communistes vietnamiens et gouverné par un régime totalitaire, il est pratiquement impossible de faire une évaluation même approximative de la population du Cambodge. L'ONU, pendant deux ans, avec plus de 20 000 hommes et un budget de 3 milliards de dollars US, n'a pas pu le faire. Donc les conclusions ne sont pas crédibles. En général ces auteurs arrivent seulement à plus ou moins confirmer les chiffres donnés pas les agresseurs vietnamiens, c'est-à-dire donner raison à ceux qu'ils croient être les vainqueurs définitifs. Pour eux les vainqueurs n'ont-ils pas toujours raison?

c/ La grande majorité des Cambodgiens qui vivent actuellement hors de leur pays ont quitté leur patrie soit avant l'entrée des Khmers Rouges dans Phnom Penh le 17 avril 1975, soit après l'agression vietnamienne le 25 décembre 1978. Dans le deuxième cas ils ont fui la guerre et le régime concentrationnaire imposés par l'ennemi. Il en est de même des plus de 90% des cinq cent mille réfugiés qui vivaient dans des camps à la frontière thaïlandaise de 1979 à 1993;

d/ Dès les premiers jours de 1979, les agresseurs vietnamiens annonçaient que le nombre de morts pendant la période 1975-1978 est de 3 millions. Comment peuvent-ils avancer ces chiffres en si peu de temps? Ces chiffres sont après adoptés en chœur par l'ensemble des médias occidentaux sans le moindre esprit critique. La palme revient au "Figaro magazine" du 15 septembre 1990 qui publie sans sourciller, sous la plume de son envoyé spécial au Cambodge:

"3 314 768 morts: c'est le dernier chiffre officiel - et inouï - du malheur cambodgien." (!)

Ces chiffres à l'unité près ne sont-ils pas, en eux-mêmes, encore plus inouïs? Jusqu'où peut atteindre la crédulité d'un journaliste occidental? Après cela comment peut-on encore croire aux médias qui se prétendent "objectifs"? Les envoyés spéciaux ne sont-ils pas programmés pour ne voir et entendre que ce qu'on leur demande de voir et entendre? Ceux qui ne le font pas sont expulsés sans ménagement par les autorités téléguidées de Hanoi, comme certains journalistes du journal parisien Libération par exemple.

Même de nos jours en 1996, il y a encore des manuels scolaires au Cambodge qui avancent des chiffres du même ordre. Des écoliers cambodgiens du primaire demandent ingénument à leurs instituteurs "Comment le savez-vous? Est-ce que vous les avez compté vous-même? Maître? pour l'affirmer avec tant de conviction?".

Dans le milieu des années 1980, la CIA avançait le chiffre de 100 000 morts. Parce qu'à ce moment là les États-Unis et les Occidentaux aidaient la lutte du Kampuchea Démocratique contre le Vietnam alors allié de la puissante ex-URSS. A cette période l'URSS utilisait les bases militaires vietnamiennes de Danang et de Cam Ranh. Depuis la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989, la CIA a changé d'avis, parce que le gouvernement américain, n'ayant plus à craindre la puissance soviétique, veut courtiser les communistes vietnamiens pour contrer la montée en puissance de la Chine communiste. En plus, Hanoi faisait miroiter les possibilités d'utilisation des bases militaires de Danang et de Cam Ranh. A ce jour Washington a-t-il obtenu l'utilisation, au moins, de l'une de ces deux bases militaires? Washington ne se laisse-t-il pas de nouveau berné par Hanoi?

Il faut remarquer aussi qu'en 1965, Suharto a ordonné le massacre de tous les communistes indonésiens. Après une tuerie sauvage de 500 000 d'entre eux ou prétendus comme tels, il fut obligé de l'arrêter, car le massacre commença à atteindre les membres mêmes de la famille des bourreaux. A cette époque l'Indonésie comptait plus de 100 millions d'habitants. Donc il y a des limites au massacre d'une population. Quel "Tribunal International" mettra Suharto en accusation pour ce massacre? De nos jours, avec Suharto vieillissant, l'Indonésie de 200 millions d'habitants connaît des jours troubles. En plus elle n'arrive pas à légitimer sa domination sur le Loro Sae, pays de 14 874 km2 avec une population de 800 000 âmes, que Suharto a envahi le 7 décembre 1975. Depuis il y aurait déjà 200 000 morts selon certaine source. Quel tribunal jugera ce nouveau massacre qui est un génocide caractérisé? Est-ce pour ces raisons que Suharto s'entend si bien avec le régime de Phnom Penh?

Le Prix Nobel de la Paix 1996 vient d'être attribué à deux militants pour l'autodétermination du Loro Sae: un évêque catholique, monseigneur Carlos Filipe Belo et un résistant José Ramos Horta. Ce dernier vit en exil à Lisbonne et, surtout à Sydney, en Australie (parce que l'Australie a des problèmes de frontière avec l'Indonésie), d'où il dirige "Le Conseil national de la résistance maubère (nom du peuple de Loro Sae). Le vrai chef de la résistance Xanana Gusmao est détenu depuis 1992 à Djakarta et condamné à vingt ans de prison. Rappelons que la militante pour la démocratie en Birmanie Aung San Suu Kyi a aussi obtenu le Prix Nobel de la Paix en 1991. Le jury d'Oslo pensera-t-il au Cambodge pour un de ses prochains Prix de la Paix?

e/ S'il y avait réellement deux à trois millions de morts pendant la période 1975-1978, plus un million causés par les bombardements démentiels et criminels de l'US Air Force, cela fait plus de trois à quatre millions sur une population de huit millions. C'est-à-dire près de la moitié. Alors comment les Cambodgiens ont-ils pu résister efficacement jusqu'à présent contre le rouleau compresseur de la fameuse armée vietnamienne, puissamment aidée par l'ex-URSS? Cette armée qui a vaincu successivement les Français, puis les Américains?

f/ Dans tous les pays du monde, on a un respect pour les morts. Sophocle, il y a 25 siècles en a tiré un drame célèbre parce que Antigone voulait donner une sépulture à la dépouille mortelle de son frère contre la volonté du tyran de Thèbes. Nulle part ailleurs qu'au Cambodge, même dans les anciens camps de concentration hitlériens, on n'expose des ossements humains. La dignité humaine oblige qu'ils soient ensevelis avec tous les égards dus aux défunts. Comment la communauté internationale peut-elle accepter un tel manquement à un devoir si élémentaire qui distingue l'homme de l'animal? Le premier droit de l'homme n'est-elle pas le droit des morts à avoir une sépulture? Ce droit acquis depuis 100 000 ans? Les morts Cambodgiens sont-ils moins respectables que les autres?

C'est pour toutes ces raisons que, au nom de la dignité humaine, des droits les plus élémentaires de l'Homme dont le premier est de pouvoir vivre dans un pays libre, indépendant, souverain dans son intégrité territoriale, de l'équité et de la justice, les gouvernements des États-Unis, du Japon, de l'Australie, de la Chine, de la France et des autres pays de l'Europe occidentale doivent cesser immédiatement leurs aides criminelles au régime que les vietnamiens ont installé à Phnom Penh depuis le 7 janvier 1979. Il y va de leur dignité et de la crédibilité en leur credo dans la "défense des fameux droits de l'homme" qu'ils proclament haut et fort partout.

Note :
[1]W. Shawcross dans "Une tragédie sans importance" p.184.

1 commentaire:

dahli a dit...

CE que repporte m'attriste beaucoup. Des cambodgiens meurent de fain et évacué de Phompenh. Ses fates sont une croyance envers son Roi Norodom Sihanouk. Selon certains preuves, c'est ce dernier qui oronne une expulsion totale des peuple khmers des bourgeoies , question de vengeance.